21 juillet 2004. Discours du maire de Houilles pour le bicentenaire de la naissance de Schoelcher

Discours du maire de Houilles et conseiller général des Yvelines, Alexandre Joly, à l’occasion de la visite du président du Sénat le 21 juillet 2004.

BICENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE VICTOR SCHOELCHER INAUGURATION DE LA SALLE DU CONSEIL MUNICIPAL _______________ DISCOURS DE MONSIEUR ALEXANDRE JOLY, MAIRE DE HOUILLES, CONSEILLER GENERAL, A L’OCCASION DE LA VISITE DE MONSIEUR CHRISTIAN PONCELET, PRESIDENT DU SENAT

Monsieur le président, Monsieur le préfet, Amiral, Commandant, Monsieur le sénateur, Mesdames et Messieurs les maires, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

La Ville de Houilles est fière et heureuse de vous accueillir, Monsieur le président, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Victor SCHOELCHER. C’est pour nous, vous le savez, un moment important de la vie de notre commune. Les Ovillois sont, en effet, particulièrement attachés au souvenir de celui qui choisit Houilles, ville alors encore rurale mais en plein essor grâce à l’arrivée du chemin de fer, pour méditer et y finir ses jours un soir de Noël 1893. A quelques mètres d’ici, se dresse toujours la maison de Victor SCHOELCHER, inchangée depuis la mort du sénateur inamovible et sur laquelle votre prédécesseur le Président René MONORY, avait dévoilé une plaque à l’occasion du 150ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

Votre visite, Monsieur le président, s’inscrit donc dans une longue tradition d’hommages qui associait chaque année depuis 1904 le Sénat à la Ville de Houilles.

Vous l’aurez compris, l’hommage que nous rendons au plus célèbre des Ovillois n’est pas une manière pour Houilles de gagner en notoriété ni de céder aux sirènes trop faciles de quelque tourisme historique. Non. Il s’agit pour nous de réaffirmer de manière solennelle notre fidélité indéfectible aux valeurs de Liberté, d’Egalité et de Fraternité.

Toute sa vie, Victor SCHOELCHER s’est fait le propagandiste passionné et acharné de cette grande idée : les droits de l’Homme appliqués à tous les hommes. En rédigeant le décret du 27 avril 1848, il porte haut le flambeau de la lutte séculaire contre la servitude, il se hisse à l’avant-garde du parti de l’humanisme contre les égoïsmes, il se fait le héraut de l’universalisme exigeant contre le relativisme des timorés.

SCHOELCHER nous exhorte à rester fidèle à ces deux principes cardinaux : l’Homme n’est pas divisible et toute atteinte à sa dignité est un crime.

Cette lutte contre l’esclavage, il ne l’a pas menée seul. Les peuples asservis se sont battus bien avant que le bien suprême et inaliénable, la Liberté, leur soit accordé. Quinze ans après que BRISSOT eut fondé la Société des Amis des Noirs en 1788, huit ans après que l’abbé GREGOIRE eut convaincu la Convention d’abolir l’esclavage le 4 février 1794, le Premier consul BONAPARTE brise l’élan des Lumières : cédant aux Colons, il rétablit la traite et ré-instaure le sinistre Code Noir. Mais c’est alors que les Antilles se soulèvent, que Haïti s’enflamme et, premier défi à la domination européenne, ose proclamer l’indépendance. Des hommes se révoltent, des héros se lèvent, TOUSSAINT-LOUVERTURE en tête, puis LOUIS DELGRES ; des milliers de Noirs brisent alors leurs fers dans un même élan contre la servitude. Ne l’oublions pas : la liberté, ils l’ont conquis eux-mêmes !

Victor SCHOELCHER continue la lutte. Sa grandeur est d’abord de ne s’être jamais satisfait de convictions certes généreuses mais abstraites ; il n’eut de cesse que d’ancrer dans le concret d’un décret les idéaux de la République ; les incantations révolutionnaires ne s’adressent-elles pas à tous les Hommes ? Sa grandeur est aussi d’avoir exigé une abolition totale, immédiate contre les tenants d’un réformisme tiède qui préféraient une abolition prudente, partielle. Elle est, enfin, d’avoir poussé son engagement jusqu’à partager les risques et les dangers de la Révolution pour que le légal rejoigne l’idéal ; il a ainsi ouvert des portes que la pesanteur du passé tenait closes.

Victor SCHOELCHER n’est pas l’homme d’un combat unique mais d’un seul principe : la dignité de l’être humain. C’est ce principe qui le mène à défendre avec la même ardeur non seulement l’abolition de l’esclavage mais aussi, avec moins de succès, l’abolition de la peine de mort, l’amélioration de la condition pénitentiaire, les droits civils des femmes, la protection des enfants abandonnés…

Voilà deux cents ans, jour pour jour, Victor SCHOELCHER naissait ; voilà cent cinquante-six ans, l’abolition de l’esclavage était décrétée. Lutte prométhéenne ! Des valeurs à défendre sans cesse, des combats toujours recommencés !

L’actualité de ces engagements n’est, hélas, plus à démontrer. Comme une lèpre jamais endiguée, les stigmates de l’esclavage rongent encore l’humanité ; tapis dans l’ombre hideuse des fabriques clandestines ou exhibé à la face du monde sur les trottoirs des grandes villes, l’esclavage prend aujourd’hui le visage émacié des travailleurs forcés, de la prostitution enfantine, de la mendicité organisée et du trafic d’êtres humains.

A l’heure où les tensions internationales s’exacerbent - en Irak, en Palestine, au Darfour, à l’heure où la tentation délétère du communautarisme renforce son emprise jusqu’à menacer notre modèle républicain, les valeurs de Victor SCHOELCHER se dressent contre tous ceux qui veulent morceler l’homme en de multiples identités, le réduire à une race, à une caste, à un comportement. La République n’est plus - si elle est fractionnée. A cet égard, il n’est pas indifférent que nous associions le nom de Victor SCHOELCHER à la Salle du Conseil municipal - ce faisant, nous replaçons l’homme et ses combat au cœur du lieu symbolique de la démocratie locale ; c’est une manière éclatante de réaffirmer la constance et la force des valeurs de la République ici et maintenant.

Notre attachement à Victor SCHOELCHER est double ; nous honorons ses valeurs et tous ses combats - qui sont les nôtres je l’ai dit - mais aussi l’homme, l’humaniste - lointain et digne héritier de MONTAIGNE. C’est à ce personnage riche, complet et complexe que nous souhaitions rendre un hommage appuyé grâce à notre exposition. Au-delà même de la noblesse de ces combats, le caractère de Victor SCHOELCHER me paraît être l’incarnation de "l’honnête homme" au sens du XVIIème siècle : un homme de culture qui agit sur son temps.

Homme de livres et de voyages, de réflexion et d’action, Victor SCHOELCHER a additionné les arguments du théoricien, de l’éveilleur de conscience, et les armes concrètes de l’homme de combat, du commis-voyageur de la liberté, de l’homme politique à la curiosité toujours ravivée.

Curiosité de SCHOELCHER qui, à l’instar de son époque romantique, prend la forme d’une élégance discrète et raffinée. Il se fait critique d’art, il écrit des articles sur les salons de peinture. Il est passionné de musique, se lie avec BERLIOZ, écoute CHOPIN chez George SAND et applaudit LITZ chez Marie d’ARGOULT. Il collectionne livres et gravures. Ce sont ces aspects méconnus et pourtant tellement significatifs du personnage SCHOELCHER que l’exposition " Victor SCHOELCHER, ses voyages, ses combats et ses passions" inaugurée demain nous invite à découvrir.

Elle nous montre un homme, esthète et mélomane, épris de culture et militant du progrès, un héritier du meilleur de la France, un digne continuateur des Lumières.

Il me reste à vous remercier très chaleureusement Monsieur le président : votre présence est un signe fort et sachez que nous y sommes particulièrement sensibles. Je voudrais également remercier le Sénateur GOURNAC pour son aide - il n’a pu être des nôtres aujourd’hui mais je tenais à lui adresser ce salut amical. Le président du conseil général des Yvelines, Monsieur Franck BOROTRA et ses services ont beaucoup fait pour le succès de ces célébrations et qu’il me soit donnée ici l’occasion de les remercier, et de saluer l’ensemble des conseillers généraux.

Demain, le 22 juillet - date anniversaire de la naissance de SCHOELCHER -, nous inaugurerons l’exposition dont vous trouverez ici quelques pièces. Je voudrais d’ores et déjà adresser mes remerciements les plus sincères à Madame Nelly SCHMIDT, chercheur au CNRS et commissaire de l’exposition et Guilio LICHTNER, scénographe, pour ce travail d’une exceptionnelle qualité et d’une ampleur inédite puisque six musées nationaux et municipaux nous ont prêté leur concours. J’associe à ces remerciements Madame Christine GENTIL, chef du projet SCHOELCHER ainsi que les services Archives et Communication de la ville de Houilles. Grâce à votre implication, la journée du 22 juillet 2004 marquera indiscutablement le second temps forts des cérémonies officielles de commémoration du bicentenaire de la naissance de Victor SCHOELCHER.

Pour l’heure, je vous laisse la parole Monsieur le président puis vous inviterai à dévoiler la plaque inaugurale de la Salle du Conseil municipal "Victor SCHOELCHER". Permettez-moi, pour conclure, de rappeler ces quelques mots de CLEMENCEAU :

"Que SCHOELCHER soit une leçon. Rien n’a pu le lasser, le décourager, le rebuter et, obstinément attaché à travers tout à sa revendication de justice, au prix d’une action incessante, il a triomphé".

Je vous remercie.


 

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