Préambule

La traite négrière et l’esclavage appartiennent aux pages sombres de l’histoire de la France et, plus largement, de l’Europe. Pendant plusieurs siècles et de manière organisée, des enfants, des femmes et des hommes ont été arrachés à leur terre, à leur culture et à leur famille et jetés à travers le monde sur des terres d’exil. Devenus esclaves, c’est-à-dire privés de leur statut d’être humain, soumis aux caprices du maître, ils sont morts sans sépulture, ils ont été fouettés, torturés, privés de tout ce qui aurait pu apaiser leur souffrance. Mais ils ont aussi su arracher à leurs maîtres des espaces de liberté, ils ont appris à utiliser la nuit pour pratiquer leurs rites et leurs croyances, et ont contribué à créer des mondes créoles, des cultures métissées. Ils se sont révoltés, et ont donné à leurs révoltes une portée universelle, celle de la lutte contre la servitude et pour la liberté.

Leur histoire et leur culture sont constitutives de notre histoire collective, comme le sont la traite négrière et l’esclavage. Or, le récit national n’intègre pas, ou si peu, ce récit de souffrances et de résistances, de silences et de créations.

Le cent-cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage en 1998 a réactualisé le désir d’intégrer cette histoire dans l’histoire nationale, de lui donner une place centrale et non plus mineure. L’héritage de l’esclavage et de ses abolitions pose de nombreux problèmes : comment définir le crime (traite des esclaves et esclavagisme), comment cerner la responsabilité des États et des groupes, comment peser le pouvoir des mots (tels ceux du racisme colonial), quel jugement porter sur le passé (à partir de quelle position et au nom de quelle loi condamner le crime de l’esclavage), comment éviter les écueils d’un révisionnisme de l’histoire (pour ne pas prétendre juger en fonction de critères modernes des événements vieux de plusieurs siècles) ?

Dans les colonies françaises, l’abolition de l’esclavage a connu une histoire singulière qui pèse aujourd’hui très lourdement dans le difficile travail de mémoire. En effet, la France est le seul pays esclavagiste qui a connu deux abolitions : le vote solennel de la Convention nationale, le 4 février 1794, avait pris acte de la victoire des esclaves insurgés à Saint-Domingue et avait proclamé l’abolition générale de la servitude dans toutes les colonies françaises d’alors. Ce fut la première abolition de toute l’histoire coloniale européenne, mais elle fut remise en cause par le décret du 20 mai 1802, signé par le Premier consul, Napoléon Bonaparte, qui restaurait l’esclavage et la traite négrière dans toute leur ampleur. La mise en œuvre de cette décision sans aucun autre exemple historique nécessita de véritables guerres de reconquête : la Guadeloupe fut soumise au prix de massacres dont la mémoire reste vive aujourd’hui, alors que Saint-Domingue résista aux troupes commandées par Leclerc et proclama l’indépendance de la « première république noire », le 1er janvier 1804, sous le nom retrouvé d’Haïti. De ces événements majeurs, les livres d’histoire de la France ont gardé peu de traces : le nom de Toussaint Louverture n’est évoqué que de façon sibylline et celui de Delgrès reste ignoré. Restauré dans toute sa force, l’esclavage a ainsi survécu près d’un demi-siècle, marqué de luttes et de résistances dans les colonies, mais aussi de réorganisation du mouvement abolitionniste en métropole. Alors que l’Angleterre avait enfin aboli l’esclavage dans ses colonies en 1833, la France, autrefois à l’avant-garde de l’abolition, attendit le retour de la République pour renouer avec la « liberté générale » dans ses colonies. Ce fut le décret du gouvernement provisoire de la IIe République, le 27 avril 1848, qui consacra définitivement la fin légale de l’esclavage dans les colonies.

Par cette décision, la France, qui, pendant plusieurs siècles, avait activement participé à la traite et avait institué dans ses colonies le système esclavagiste, rejoignait la communauté des États abolitionnistes. Cent cinquante ans plus tard, en 1998, les commémorations officielles de l’abolition de l’esclavage n’ont cependant pas entièrement apaisé les consciences, car elles n’ont pas suffisamment célébré la mémoire des esclaves, se centrant sur le rôle de l’abolitionnisme français. Or, pour celles et ceux dont les ancêtres furent amenés enchaînés à fond de cale, la réalité de la traite et de l’esclavage ne peut être restituée par la seule célébration de leur abolition. Ils réclament que cette histoire soit reconnue. Il est aussi capital pour la France de se pencher sur sa participation à cette infamie, pour faire œuvre de réparation historique.

Le décret du 5 janvier 2004 instituant pour cinq ans le Comité pour la Mémoire de l’Esclavage (ci-après, CPME) lui donne pour mission « de proposer au Premier ministre la date de la commémoration annuelle, en France métropolitaine, de l’abolition de l’esclavage, après avoir procédé à la consultation la plus large ».

Le CPME reçoit aussi pour mission de proposer « aux ministres chargés de l’Intérieur, de la Culture et de l’Outre-mer :
- 1- l’identification des lieux de célébration et de mémoire sur l’ensemble du territoire national ;
- 2- des actions de sensibilisation du public ». Il a également pour mission de proposer aux ministres chargés de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : « des mesures d’adaptation des programmes d’enseignement scolaire, des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires et de suggérer des programmes de recherche en histoire et dans les autres sciences humaines dans le domaine de la traite ou de l’esclavage ».
Un prix récompensant une thèse a été institué.

Dès sa première réunion plénière, le CPME a créé trois commissions :
- une commission « Éducation, Recherche » composée de : Marcel DORIGNY, Gilles GAUVIN, Nelly SCHMIDT, Jean-Godefroy BIDIMA ;
- une commission « Associations » composée de : Henriette DORION-SÉBÉLOUÉ, Claude-Valentin MARIE, Serge ROMANA ;
- une commission « Musées, Lieux de mémoire » composée de : Maryse CONDÉ, Fred CONSTANT, Christiane FALGAYRETTES-LEVEAU, Françoise VERGÈS.

Conscients de l’importance de faire connaître nos travaux et nos propositions, nous avons rapidement mis en place l’étude d’un site Internet. Cette étude a pris fin en mars 2005 et le site sera mis en service le 13 avril 2005 au http://www.comite-memoire-esclavage.fr

Le CPME a nommé une vice-présidente, Françoise VERGÈS, qui a également assuré la fonction de rapporteur général.


 

Suivez l'actualité du CNMHE
sur Facebook et Twitter

CONTACT

Président :
Frédéric REGENT

Assistante de direction
Chargée de communication:
Magalie LIMIER

CNMHE
Ministère des Outre-Mer
27 rue Oudinot 75007 PARIS

Mail : sec-cnmhe@outre-mer.gouv.fr

LIENS

Autres liens...

Accueil du site | Crédits