Recherche

La recherche sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions est une préoccupation centrale pour le CPME. Son développement contribuera utilement à l’apaisement des controverses actuelles, qui reposent trop souvent sur une méconnaissance des faits établis par les chercheurs des différents pays. Cela concerne notamment la connaissance des chiffres de la traite au cours des siècles de son existence, légale puis illégale. En outre, la recherche universitaire française sur ces sujets longtemps délaissés ou occultés a pris un immense retard par rapport aux travaux des chercheurs britanniques, nord-américains, jamaïcains, cubains ou brésiliens. Fournir à la recherche française en ces domaines les moyens, matériels et institutionnels, doit être considéré comme une priorité absolue. Dans l’immédiat, l’objectif visé doit être de mettre cette recherche au niveau de ses devancières de langue anglaise, qui ont été longtemps les seules à prospecter ce terrain vierge des sciences historiques et sociales.

La recherche érudite a toujours permis de mettre en lumière la complexité des faits et de déconstruire les mythes et les raccourcis idéologiques empruntés par des démagogues peu scrupuleux. De tels amalgames auraient alors peu de prise dans un pays où la recherche serait suffisamment avancée et ses acquis largement diffusés par le système éducatif, comme cela est le cas pour d’autres grands drames de l’histoire. En restituant la trame des récits conflictuels, des mémoires et des archives, la recherche ouvrirait incontestablement de nouvelles voies à la réflexion. Elle donnerait certes lieu à des controverses, des échanges, des comparaisons qui resituent au mieux l’événement dans l’histoire de l’humanité plutôt que de le renvoyer à une barbarie inexplicable. Enfin, la recherche offre un terrain d’exploration qui peut permettre de transcender les facteurs personnels ou les ressentiments locaux.

La recherche sur l’esclavage dans les colonies françaises et ses abolitions n’a pas encore pu jusqu’ici transformer le débat public sur ces questions. Or, il est urgent que s’établisse une relation entre cette recherche, qui offre des informations, des méthodes, des propositions et des analyses sur un sujet, et le débat public.
Cette recherche se doit de multiplier ses travaux, de diversifier ses champs d’étude et de s’affranchir du débat idéologique. Les obstacles à cette ambition sont de plusieurs ordres :
- une trop lente prise de conscience de la valeur de cet héritage dans les sociétés issues de l’esclavage ;
- la résistance en France quant à la valeur scientifique de ce domaine ;
- la difficulté de s’émanciper d’un cadre moral ;
- la place mineure des sociétés issues de l’esclavage dans la recherche ;
- ou, tout simplement, l’indifférence.

Ce n’est pas du côté d’un complot du silence qu’il faut se tourner pour comprendre l’absence d’un récit partagé. À l’inverse, il ne suffit pas de dire que l’esclavage étant aboli, on n’a plus besoin d’en parler. Les philosophes, les intellectuels et les historiens manifestent encore trop souvent en toute bonne conscience leur indifférence envers ces questions. Toute atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’être humain doit être prise en compte. Nous devons refuser toute rivalité victimaire, sans pour autant renoncer à affirmer l’intensité du crime, son rôle et sa fonction.

Le CPME constate que la recherche souffre profondément d’un manque de soutien symbolique et financier. Or, il est évident qu’une recherche démultipliée, confrontée aux autres travaux, tant en Europe que sur le continent américain dans son ensemble et en Afrique, aurait une influence profonde sur la mémoire de l’esclavage, encore trop souvent soumise aux énoncés lapidaires. L’indifférence dont cette mémoire est l’objet en France métropolitaine serait forcément interrogée si elle devenait un objet de recherche valorisée.

L’analyse de la traite et de l’esclavage ainsi que des doctrines qui les ont combattus doit se faire à plusieurs niveaux. Il importe de retracer dans toute sa complexité et sa diversité un système économique, social et symbolique afin de resituer le rôle de chacun : du clerc de notaire qui enregistrait les héritages coloniaux où les esclaves étaient comptés au nombre du mobilier, des marchands et banquiers qui affrétaient les bateaux négriers, des chasseurs d’esclaves en Afrique, des juges qui appliquaient le Code Noir et condamnaient à mort les esclaves qui se révoltaient, des chasseurs de marrons auxquels chaque capture d’esclave rapportait une prime, des charpentiers qui construisaient les bateaux, des marins, des médecins qui jaugeaient la cargaison humaine, des contremaîtres sur les plantations...

L’article 5 du décret prévoit que le CPME « a également pour mission de proposer aux ministres chargés de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche des mesures d’adaptation des programmes d’enseignement scolaire, des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires et de suggérer des programmes de recherche en histoire et dans les autres sciences humaines dans le domaine de la traite ou de l’esclavage ». Afin de répondre à cette exigence d’ouvrir de nouvelles voies pour la recherche en sciences humaines et sociales sur les traites négrières, les sociétés esclavagistes et les processus d’abolition de l’esclavage, notamment sur les territoires relevant des anciennes colonies françaises, le Comité demande au ministère de le soutenir dans son projet de création d’un :

- laboratoire interuniversitaire de recherche comparative sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions. Ce projet nécessiterait la création d’une ligne budgétaire pour cinq chercheurs, une secrétaire et des locaux. Il pourrait accueillir des chercheurs européens, africains, nord-américains, brésiliens, du monde arabe...pour encourager des regards croisés sur la traite et l’esclavage. Il est essentiel d’encourager une recherche à dimension européenne sur ces questions. À l’heure où l’Europe se penche sur son identité et, par conséquent, sur son histoire commune, elle se soit de se pencher sur cette histoire qui est la sienne, l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions. Plusieurs puissances européennes y ont participé (Angleterre, Pays-Bas, Portugal, Espagne, France) ; or, il n’existe, à ce jour, aucun laboratoire de ce type dans aucun des pays concernés. Il est donc essentiel d’encourager la recherche à dimension européenne. La France, en créant ce laboratoire, témoignerait de son engagement à une réparation historique.
Le laboratoire de recherche comparative interuniversitaire sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions pourrait s’inscrire dans un projet plus vaste : la création d’un Centre national pour l’Histoire et la Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, qui abriterait ce laboratoire, un centre de documentation sur les sujets relevant des compétences du Comité et des salles de conférences, de séminaires et d’expositions. La création de ce Mémorial serait un acte fort offrant au public le plus large un espace d’information, de connaissances, où des conférenciers venus du monde entier viendraient parler de l’esclavage dans sa complexité, sa diversité, où des films seraient projetés, où élèves et étudiants pourraient trouver l’aide et le soutien à des recherches sur la traite, l’esclavage et leurs abolitions cherchant en ligne les lieux où sont les archives, les thèses, les documents sur ces thèmes.

En conséquence, le CPME a demandé le soutien du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche :

- pour faire connaître le prix annuel dédié à une thèse sur l’esclavage ou ses abolitions (détails en annexe) ;
- pour contribuer à la création d’un Centre national pour l’Histoire et la Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions qui abriterait un centre de documentation, une salle de conférences, des salles de séminaires, une salle d’expositions et un laboratoire interuniversitaire de recherche comparative ;
- pour contribuer à la création d’un laboratoire interuniversitaire de recherche comparative sur la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions.


 

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