janvier 2017
Paris, le 11 octobre 2016,
Communiqué de Presse
Avis du Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage sur les journées de commémoration
Le 5 octobre 2016, l’Assemblée Nationale a adopté à l’unanimité un amendement modifiant la loi du 30 juin 1983, relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Cette loi était rédigée comme suit :
« En France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large » ;
L’amendement voté par les députés propose de modifier cet article dans les termes suivants :
« La République française institue la journée du 10 mai comme journée nationale de commémoration de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions et celle du 23 mai comme journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial. ».
Cet amendement a pour objet de clarifier et de consolider juridiquement le calendrier officiel des commémorations liées à l’esclavage.
Le calendrier officiel est à ce jour articulé autour de trois catégories de dates :
• Le 10 mai est la date retenue par le décret du 31 mars 2006, pris sur le fondement de la de la loi du 30 juin 1983 repris dans la loi dite TAUBIRA du 21 mai 2001 pour commémorer l’abolition de l’esclavage en France métropolitaine. Une circulaire du 29 avril 2008 mentionne la date du 10 mai comme journée nationale consacrée à l’histoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. • L’extension de la portée du 10 mai dans cette circulaire est juridiquement fragile. En effet, le 10 mai n’apparaissait, au vu de la loi de 1983 modifiée, que comme date hexagonale, ne célébrant de surcroît que l’abolition de l’esclavage. La circulaire, norme juridiquement inférieure, entrait en contradiction avec la loi. • Il est donc important de lever cette contradiction, de consolider la dimension nationale de la date du 10 mai, et d’élargir l’horizon commémoratif de l’abolition à celui de l’histoire de la traite et de l’esclavage. Pour cela, il convient de modifier l’intitulé de la loi du 30 juin 1983 reprise dans la loi du 21 mai 2001.
• La date 23 mai qui devient, avec la proposition d’amendement, une date de commémoration en hommage aux victimes de l’esclavage colonial n’était reconnue jusqu’alors que par circulaire. Il convient aussi de consolider juridiquement son existence par décret. Pour cela, il est également nécessaire de modifier l’intitulé de la loi du 30 juin 1983 en y ajoutant la mémoire des victimes.
• Les dates du 27 avril à Mayotte, du 22 mai en Martinique, du 27 mai en Guadeloupe et à Saint-Martin, du 10 juin en Guyane, 9 octobre à Saint-Barthélemy et du 20 décembre à La Réunion sont des dates de commémoration de l’abolition de l’esclavage procédant du décret du 23 novembre 1983 (modifié en 2012). Pour ces dates, il n’est pas nécessaire de modifier la loi.
Dès 2012, le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage rappelait « l’impossibilité de réduire l’inscription publique de cette histoire à l‘organisation d’une journée commémorative. En effet, ce qui caractérise les mémoires de l’esclavage en France, à savoir la pluralité des temps et des lieux commémoratifs, est l’expression de la complexité de cette histoire et de ses héritages.
En somme, le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage (2009-2012) a pensé et défendu une approche commémorative ouverte, conduisant à l’émergence d’un mois des mémoires permettant une articulation entre les initiatives venant de la société civile et les commémorations étatique ou officielles. Les dates commémoratives relatives à la traite négrière, l’esclavage et leurs abolitions sont nombreuses : ce pluralisme reflète la complexité du fait commémoratif et l’impossibilité de réduire une histoire douloureuse qui se déploie, pour le cas français, sur plusieurs siècles et sur plusieurs territoires à travers le monde (Caraïbes, Amérique du sud, Océan indien) à une seule date.
Le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage estime que cette multiplicité de dates a une légitimité et une portée pédagogique, dans un pays qui méconnait non seulement les réalités de l’esclavage colonial et de ses héritages mais également les écueils du combat et du processus abolitionniste.
La France se caractérise aussi par le fait singulier qu’elle a connu deux abolitions de l’esclavage, en 1794 et en 1848. L’enjeu est de ressaisir l’esclavage dans sa multi-territorialité et son temps long, dans ses mutations et reconfigurations, et dans sa capacité à se réinventer sous de nouvelles formes. Dans ce cadre conceptuel, le Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage a estimé qu’il était cohérent et légitime de reconnaître le 23 mai comme « Journée en hommage aux victimes de l’esclavage colonial ». Mais loin de se laisser aller aux facilités de commémorations séparées, le défi est de relier toutes ces mémoires et ces temporalités différentes.
Lors de sa réunion du 20 septembre 2016, le Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage a réaffirmé ces principes en proposant la transformation du 10 mai en Journée nationale commémorant l’ensemble du phénomène historique incluant la traite, à l’esclavage et non la seule abolition de l’esclavage. Le comité a émis également un avis favorable à l’inscription dans la loi d’une « Journée nationale en hommage aux victimes de l’esclavage colonial ». Le terme de victime est utilisé à l’instar de son emploi dans d’autres régimes commémoratifs utilisés en France. En effet, il existe le 24 avril, une journée en souvenir des victimes et des héros de la déportation et le 16 juillet, une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France.
L’adoption définitive de cet amendement par le Parlement mettra fin au flottement juridique de l’actuelle législation et permettra d’honorer pleinement l’enjeu que représentent la mémoire et l’histoire de l’esclavage dans notre pays.
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